Une histoire de musique, de voyages, de garçons, de végétaux…
. et de bière
(note: Ceci est une fiction issue de mon imagination, absolument rien n’est réel! Donc, pas la peine de t’inquiéter pour moi papa ami lecteur ^^)
Cet ouvrage est un livre de jardinage.
Je cultive bon nombre de plantes dans mon jardin.
Ce n'est pas toujours facile.
Il faut choisir quelle plante l'on décide de faire pousser,
et savoir parfois en sacrifier une qui n'a plus sa place dans notre jardin.
Et bien qu'aujourd'hui mon jardin m'enchante, il n'a pas été évident d'en
arriver au résultat actuel.
Si maintenant mon jardin, bien que touffu, m'apporte la paix, il avait plus
une apparence de jungle à ses débuts, où je laissais les plantations pousser
dans tous les sens sans savoir comment agencer quoique ce soit.
Je subissais plus la pousse que je ne la gérais.
Cette histoire est donc une épopée végétale.
Une histoire de cultivateur, de terrain en friche que l'on transforme
petit à petit en jardin du paradis,
avec une multitude de plantes diverses et variées,
une histoire de jardin secret.
Une histoire de graines reçus, une histoire de graines données.
Certaines ont germées, se transformant en belles plantes,
d'autres ont donné naissance à des plantes mutantes,
d'autres encore restent des graines,
mais le cycle recommence, et la prochaine fois, qui sait, une nouvelle plante
poindra le bout de son pistil.
J'aime donner les graines issues de mes plantations ;
avec elles, chacun fera pousser son jardin comme il l'entend,
mais avec le plus d'éventuels possibles.
Il est préférable d'avoir plein de graines à disposition pour pouvoir
réellement choisir notre propre végétation.
Notre jardin, celui où pousse les plantes que l'on veut y voir,
et d'autres parfois qu'on ne fait que tester,
ainsi qu'un tas de mauvaises herbes qui ne le sont plus
une fois que l'on connaît leurs propriétés.
Une histoire dans laquelle on ne sait pas toujours
si le jardinier et son œuvre
ne dont pas une seule et même personne.
D'ailleurs, c'est peut-être ça, un bon jardinier :
quelqu'un qui laisse son âme dans ses compositions.
Un bon jardinier est un artiste.
Les voix
La gare centrale, midi.
J’observe deux groupes bien distincts dans la faune environnante.
Il y a tout d’abord les gens qui n’ont pas de train à prendre.
Zonards, souvent accompagnés de leur chien et de leur bouteille, évoluant dans les lieux tel un bourgeois bien à l’abri dans sa maison, lorgnant à intervalles réguliers les autres autochtones afin d’évaluer les cibles potentielles pour continuer leur manche.
Passants pressés, se contentant simplement de survoler la zone sans interaction aucune avec leur semblables, perdus dans leurs objectifs à tel point qu’ils ne se réveilleront sûrement qu’une fois arrivés à leur point de destination.
Puis il y a les gens qui attendent, ceux qui ont un train à prendre.
D’un côté, bousculades, fébrilité et crises de nerfs, trépignements et tours inutiles accompagnés de la musique crissante des roulettes. Envie de se défouler en faisant les cents pas, mais (pas fou!) , sans lâcher sa valise.
De l’autre, apathie, endormissement léger, affalés sur des sacs, musique sur les oreilles, lecture de magasines qu’on aurait jamais acheté dans un autre contexte.
Un point commun pour ceux qui attendent : de frénétiques coups d’œil vers le tableau d’affichage. On dirait que la salle entière est atteinte d’un tic nerveux particulièrement contraignant, consistant à lever la tête dans un sursaut, comme si quelque chose d’incroyable avait pu se passer pendant que l’on regardait ailleurs.
Cela dit, certains ont trouvé une technique : s’assurer de ne jamais, ô grand jamais, quitter le tableau des yeux. J’ai moi même adopté une technique basée sur mes compatriotes. Dès que je sens un Mouvement Général, je sais qu’un nouvel horaire a été affiché. Je consens alors à jeter un rapide regard dédaigneux à cet affichage maléfique volant les cerveaux pour savoir d’où mon train partira.
Voie 1A.
Forcément, c’est à l’autre bout.
Je m’engage à la suite du Mouvement Général.
L’on croise un autre troupeau arrivant en sens inverse. Il y a quelques coups de coude qui s’échangent. Beau match. Mon équipe sort victorieuse. Ils ont pour eux la force de ceux qui ne veulent pas louper leur train et qui se disent que l’équipe adverse est déjà arrivée à destination.
Notre train part dans vingt minutes cela dit.
Une joueuse sort du rang pour ramasser le gant d’une de nos coéquipières et entame un sprint à travers le terrain pour le rendre à sa propriétaire.Tout le monde crie après la dame au gant manquant mais elle n’entend pas, toute perdue dans ses oreillettes. Après quelques passes, le gant est enfin attrapé par sa propriétaire juste avant qu’elle ne s’engouffre dans son wagon.
Ou plutôt le gant a enfin rattrapé sa propriétaire.
Tout dépend du point de vue.
Je pars aussitôt dans ma rêverie et repense à une nuit où, assise sur un banc, dans le parc attenant à la bouche de métro, je regardais les arbres m’environnant. Je connaissais ce paysage par cœur, le voyant à chaque fois que je devais emprunter les rames souterraines. Mais cette fois ci, sous une impulsion soudaine, je me penchais en arrière, le dos arqué sur le dossier du banc, et regardais cette vision habituelle sous un angle inhabituel.
Les formes paraissaient différentes, et ce nouveau point de vue me donna l’impression de voyager dans des contrées nouvelles. Tout d’abord désorientée, je n’arrivais plus à savoir ce que j’étais en train d’admirer. Les formes qui m’étaient familières ne concordaient plus à l’image que j’en avais, et je pris quelque temps à tout remettre dans le bon ordre. L’infini du ciel me donnait l’impression d’un gouffre dans lequel je pourrais chuter s’il n’y avait eu les branches pour me retenir.
C’était confondant.
Je sursaute lorsqu’un train nous croise en sens inverse.
Tiens, on était partis.
Cela m’arrive souvent. Je me perd dans d’interminables discussions avec moi même et perd complètement pied avec la réalité. Je me laisse aller au tangage de mon TER et regarde le paysage qui défile.
Qui défile lentement.
Un vélo nous dépasse.
Cependant, pas de quoi pavoiser pour le cycliste. Un jogger aurait pu y arriver. D’après ma montre, cela fait déjà dix minutes que nous sommes sensés être partis, mais nous n’avons toujours pas dépasser la vitesse « sortie de gare »
Je focalise mon attention sur la casse que nous longeons. Les carcasses de voitures rouillées m’intriguent et m’interpellent. Je les trouve à la fois belles et effrayantes, attirantes et malsaines à la fois. Ces objets ont vécus tellement de choses avant d’en arriver à cet état de décomposition. Les voitures, si utiles et à la fois si dangereuses. Quelles histoires auraient elle à raconter, quelles aventures ont elle vécues avant de finir ici ?
Ca me fait le même effet que les vieux wagons des convois de marchandise.Ils me font penser à la guerre, lorsqu’ils étaient utilisés pour convoyer de pauvres êtres vers une mort certaine, alors qu’aujourd’hui, ils véhiculent leurs chargement de denrées diverses et merveilleuses.
Toujours ce contraste entre leur belles et leurs hideuses possibilités.
Ils représentent cette double face présente en chacun de nous, que l’on doit apprendre à gérer sans la tuer parce qu’elle fait partie de l’ensemble. Nos peurs, qui lorsqu’elles sont écoutées, nous aident à prévenir le danger, et qui lorsqu’elles nous dominent, nous poussent aux pires atrocités.
Je me lève dans un bond, attrape mes affaires et saute sur le quai à la dernière minute.
Mon train a du accélérer subitement parce qu’on est arrivés à l’heure, mais encore une fois, je n’ai pas su rester connectée à ce qui m’environnait. Je me met une note mentale pour travailler la dessus avant de me réveiller à l’autre bout de la France.
-Encore une fois ! se moque de moi un des habitants du village de mon cerveau (je n’ai jamais su exactement à combien l’on vivait). Ne te rappelles tu pas la fois où tu t’es réveillée à Rennes ? »
-Ah mais ce n’était pas du tout pareil ! Je m’étais réellement endormie ! me défendais-je. Et puis de toute façon, ce n’est pas le moment de te payer ma tête, je suis assez stressée comme ça !
Je me fais vaguement la remarque que, pour mon cerveau, se payer ma tête, ça équivaut à payer son loyer.
-Tout à fait, intervient subitement quelqu’un d’autre dans mon esprit. Laisse la tranquille, sinon elle va encore nous entraîner dans une catastrophe.
Parti comme c’est, je vais effectivement les entraîner dans une catastrophe s’ils ne se la bouclent pas. La discussion se calme, apparemment, pour une fois, tous le monde est d’accord.
Ou je leur ai fait peur…
Ces moments sont si rares.
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J’avais répondu à une annonce pour chanter dans un groupe d’animation musicale, le genre de groupe où tu chantes de la pop tout l’été dans les campings. Pas super intéressant mais idéal pour faire un maximum de dates, et peut-être était ce le début d’une nouvelle vie où je gagnerais mon pain quotidien avec la musique.
Je sentais palpiter au fond de mon être une petite flamme d’inspiration, mais je ne savais pas comment l’attiser. Et j’avais peur qu’elle s’éteigne si je ne trouvais pas rapidement comment y accéder. Alors j’espérais qu’en me plongeant dans le monde musical, même via un projet qui ne m’enthousiasmait pas, j’arriverais à débloquer le verrou de ma créativité. J’espérais devenir celle que j’avais l’impression d’être sans oser y croire vu que je ne m’en imaginais pas réellement capable.
Une phrase compliquée pour dire que je manquais cruellement de confiance en moi.
Je vérifiais sur mon plan la direction à prendre et commençais à me diriger vers la salle de répétition que l’on m’avait indiquée. Je révisais mentalement les textes des chansons imposées pour l’audition. De la soupe, pleine de sentiments calibrés pour le grand public, sans aucune réelle valeur poétique.
Ca m’écorchait la langue à chaque fois que je les chantais.
Cela dit, la qualité de la composition musicale ne relevait généralement pas le niveau, donc j’avais aussi les oreilles qui saignaient. C’était raccord.
Plus j’avançais, plus j’étais aux prises avec des sentiments contradictoires. Au fond, je ne savais pas si je voulais réellement réussir cette audition. Premièrement, je n’avais vraiment pas envie de pourrir mon cerveau avec un tas de chansons suintantes, ni mon emploi du temps estival à massacrer ma vision de la musique. Deuxièmement, je me questionnais : avais-je plus peur que l’on me donne une chance et dès lors devoir subir cette torture, ou de me faire rejeter et de gérer avec mon ego ?
Finalement, tant que l’on ne vit pas les choses, il reste l’espoir qu’elles arrivent. Mais une fois que la première impulsion est lancée, si l’on échoue, que nous reste-t-il ? Qu’un goût amer… Celui de l’échec, avec son fond d’irrémédiable.
« En essayant continuellement, on finit par réussir, donc plus ça rate, plus on a de chances que ça marche! Devise shadok !, tente de me rasséréner Bonne Mère, l’habitante-qui-rassure de mon esprit. Ne sois donc pas si défaitiste, rien est irrémédiable tant que l’on vit ! »
Cause toujours avec tes références à la noix. Parfois, je me demande si toutes les parties de moi même ont eu la même éducation.
dJe ne me rappelle pas avoir su ce qu’est un shaddok…
Et puis de toute façon, je n’ai pas envie d’y croire. Je préfère voir les choses en noir, au moins, comme ça, je ne peux avoir que de bonnes surprises. Bonne Mère rentre dans sa case avec un soupir. Je m’assoie sur un banc en attendant mon tour.
J’observe les autres candidates avec circonspection. Il y en a de tout acabits. Des professionnelles, des amatrices confirmées, et de jeunes débutantes selon toute évidence. Des timides, des excentriques, des stressées, des pratiquantes de la méditation… J’en vois même une en train de se venger sur une poche de bonbons cachée dans sa veste. J’espère pour elle qu’elle ne sera pas en pleine digestion pendant son tour.
Le nombre de candidates dans la salle d’attente se réduit progressivement, tandis que je reste prostrée sur ma chaise à tourner dans ma tête des phrases sensées me rassurer, mais qui ne font que me rendre encore plus impatiente.
Je décide de laisser tomber toute dignité et me met à faire une séance d’étirements au milieu de la pièce. Ca me détend. Quelques filles se mettent à rire. Tant mieux pour elle, comme ça, elles se détendent aussi. Lorsque l’on vient chercher la suivante, la tension est moins palpable dans l’atmosphère. Le guitariste, apparemment chargé de nous faire entrer les unes après les autres, regarde mes mouvements d’un air à la fois amusé et approbateur.
La porte se referme.
Branle-bas de combat, quelques filles se lèvent d’un bond et se mettent à m’imiter. J’ai perdu mon envie de me défouler.
Je me sens écoeurée.
Le moment où j’abandonne la partie avant d’essayer est arrivé. Je rassemble mes affaires tout en me demandant ce qu’il m’a pris de croire en cette possibilité.
Moi, chanteuse.
C’était n’importe quoi.
Je suis pianiste, et je ne touche plus mon piano. Je ne suis donc plus rien. (ceci est un bon exemple de pensées positives, et cette dernière phrase est un exemple d’ironie)
J’allais franchir la porte de sortie pour m’échapper quand le guitariste est arrivé et à beugler mon nom. Pas la peine de crier. J’arrive. De toute façon, je suis déjà sûre que ça ne fonctionnera pas. Je n’ai donc rien à perdre.
Les quatre paires de yeux braquées sur moi, au milieu d’une salle un peu sombre, l’atmosphère étouffantes dans laquelle flottent les effluves des divers parfums des filles précédentes, tout ça me donne la nausée. Super, je vais leur vomir dessus si ça continue. Je verrouille tant bien que mal mon estomac et relève la tête. Maintenant que j’y suis, j’ai le syndrome « plus vite commencé, plus vite fini » qui me reprend.
« dépèche toi de tout gâcher qu’on rentre à la maison ! me lance L’horrible Voix de la Peur. De toute façon, tu aurais du rester à la maison, c’était moins risqué ! »
Elle a une certaine logique dans son raisonnement cette satanée peur. Il y a quelques minutes, elle avait peur de l’échec, peur de la réussite, et voilà maintenant qu’elle me dit préférer ne pas essayer du tout.
Je la comprend cela dit… Qu’est ce que je fais là ?
J’empoigne le micro d’un air résolu, mais n’arrive pas à empêcher les tremblements intempestifs de ma main.
« stressée ? » me lance laconiquement le batteur dont je ne vois plus qu’un œil et une touffe de cheveux dépasser d’une cymbale gigantesque.
« faut pas » conclut-il sans me demander mon avis, avant de lancer le décompte, sans prévenir.
Je chante, j’ai la voix qui tremble, mais j’arrive à maitriser les parties sensibles. Je raconte un tas d’idioties entre deux chansons, mais en gros, je ne m’en sors pas trop mal. Le guitariste à l’air ravi tandis que le batteur a toujours l’oeil blasé de tout.Le bassiste me regarde d’un air bizarre. Il a presque l’air…effrayé.
C’est étrange.
On me raccompagne à la porte, merci, au revoir, et basta. Je me retrouve sur le trottoir avec soulagement et rentre chez moi en essayant d’oublier ce moment difficile. Je croise un café sur mon chemin, fouille dans mes poches, et après comptage, m’installe en terrasse et commande une pression (liquide) pour faire descendre ma pression (nerveuse). Je commence à descendre ma bière, tout en m’obligeant à la siroter pour faire durer le plaisir (je n’ai plus un rond), me pose face à moi même et me réprimande vertement de ce comportement de fuite que j’adopte tout le temps, dans toute situation.
Amour, travail, amitié, famille…
Je suis une fuyante.Je fais passer l’idée avec une gorgée un peu plus longue. Pire, j’arrive à me saboter toute seule. Cette croyance que si tout va bien ça ne peut pas durer me tue lentement. Elle tue mes espoirs et ma volonté, m’empêche de croire en mes envies ! Elle a fait de moi quelqu’un qui se contente de ce qu’elle a, mais qui du coup ne cherche pas à obtenir ce qu’elle veut au plus profond.
Mon raisonnement est simple. Si je n’ai rien, je peux rêver d’obtenir quelque chose, mais si j’ai ce quelque chose, je peux alors cauchemarder de le perdre.
Et je préfère rêver.
J’ai toujours préférer vivre ma vie dans la fiction. Romans, films fantastiques, musique, jeux vidéos, projets irréalisables qui permettent de laisser son esprit vagabonder, ma vie frôle le virtuel.
Je regarde mon verre et n’ai même plus envie de boire.
Même constat pour mon célibat.
Après chaque séparation, même quand c’est moi qui partais, je morflais. En étant seule, je ne risque pas de perdre ce qui fait une partie de mon équilibre.
Seule, je suis plus forte.
Je ne compte que sur moi et ne suis jamais déçue par l’autre. Si j’en veux à quelqu’un, c’est à moi même. Et ça, je peux vivre avec. Et au moins, je ne laisserais personne me détourner de mon chemin.
Je veux boire une nouvelle gorgée, me rend compte que mon verre est déjà à moitié vide et n’envisage même pas que cela sous-entend aussi qu’il est à moitié plein.
Forte, forte, je dois devenir plus forte.
Je ne peux pas me reposer sur une autre épaule, car si je perd ce soutien, je m’effondre. Seule, je m’endurcis. Seule, je grandis. Forte, plus forte, encore et toujours.
J’ai déjà siroté plus de la moitié de ma bière…
Je la regarde d’un air blasé et bois le reste d’une seule et même longue gorgée.
Comme ça, j’arrêterais de me lamenter sur le fait qu’elle sera bientôt finie.
Je pars regagner mes pénates.
(à suivre….)