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Il est 23h, au volant de sa voiture, un homme rentre chez lui, la tête absorbée par sa journée de travail. Il a encore fait beaucoup d’heures supplémentaires et s’inquiète de ne pouvoir boucler son dossier à temps. Le feu est vert, il traverse, l’esprit focalisé sur le budget prévisionnel trop peu conséquent pour finaliser le projet.
Le feu est vert alors il traverse sans y penser, parce que son pilote automatique sait que vert=pas de danger.
Pas de chance pour lui de croiser la route de cet autre homme dont le pilote automatique a momentanément oublié l’association rouge=danger.
Rouge=stop mais pourtant vroum vroum et…
Boum. Crac. Aïe.
Nul besoin d’autres éléments que cette fin d’onomatopées pour comprendre mon histoire.
C’est pourquoi je ne crois pas en l’autorité, mais en la responsabilisation.
Passer sans regarder à l’intersection parce que le feu est vert, c’est suivre une règle au lieu de suivre le bon sens. Car lorsque les sens sont en alerte, la conscience du moment présent pousse à la pleine efficacité, en focalisant les pensées sur ce qu’il se passe et non sur autre chose.
Alors que se contenter de suivre une règle devenue réflexe d’habitude rend paresseux. Pourquoi faire attention alors que le chemin a été balisé pour limiter les risques ?
C’est bien souvent comme cela que naissent les accidents de parcours.
Vacances, logement, amours, carrière, ameublement, compilations musicales, raccourcis divers et variés…
Les solutions « clés-en-main » foisonnent et proposent à chacun encore un peu plus de laisser-aller à la facilité de ne pas se poser de questions, de ne pas se « prendre la tête ».
Notons au passage le fait que se prendre la tête peut faire allusion à un problème entre deux personnes (qui feraient mieux d’arrêter de se parler plutôt que d’essayer de régler le problème, ça fait moins de bruit) ou au fait de se la prendre tout seul, ce qui serait apparemment quelque chose de tout aussi négatif.
Parce que oui, lorsque tu prends le temps de réfléchir sur toi-même, sur le sens de la vie, ou autre passionnante réflexion, il y a tout le temps quelqu’un prompt à te dire d’arrêter de « te prendre la tête », t’assénant cette phrase comme une perle de sagesse.
Pour vivre heureux, évitons de penser, et si tu le fais, fais le discrètement parce tu m’obligerais à réfléchir moi aussi si tu continues. Et d’ailleurs, rien que de te voir ça me fatigue.
Allez, arrêtes de te prendre la tête ! (…parce qu’en fait c’est à moi que tu la prends. Je m’en fous de tes états d’âme. Je m’en fous déjà des miens alors bon….)
Pourquoi dénierait-on aux idées le droit de s’imposer ? Si elles toquent constamment à la porte, c’est peut-être qu’elles ont quelque chose à dire ? Et si on ne leur ouvre jamais, elles deviendront insistantes, jusqu’au moment où, épuisées, elles s’éteindront, sans avoir pu livrer l’information qu’elles portaient, nous faisant peut-être perdre à jamais un des rouages de notre être profond.
La soumission à l’autorité est une paresse de réflexion.
Dans cette période de répression et d’agitation sociales, où la police ne sait plus comment garder la tête droite face au ras-le-bol généralisé, où tout le monde commence à discuter politique et solution, prenant conscience enfin de notre capacité à chacun de prendre le monde en main, réfléchir est notre meilleure arme. Car d’un côté, il y a la loi, avec son lot d’absurdités imposées pour nous faire cohabiter de force, et de l’autre l’écoute et la compréhension, des espaces de discussions pour essayer de faire tous ensemble un monde mouvant et adaptatif, tel la nature même.
Je vous laisse deviner quelle solution est la plus compliquée ?
Bien sûr, celle qui ne posera jamais de solution « toute faite », rassurante sur le « comment se comporter », celle qui n’obligera pas à tout remettre en question constamment.
Force est de constater que nous préférons apparemment suivre le troupeau pour éviter d’affronter les loups.
Et pourtant même, c’est l’échec de la responsabilisation face à l’autorité qui devrait nous aider à comprendre que les choses ne peuvent plus avancer à coups de fouet.
C’est comme choisir de continuer à mettre des couches plutôt que d’apprendre à maîtriser son urètre.
Au bout d’un moment, y’a quelque chose qui sent pas bon.
Car plus l’oppression monte, plus l’individu se sent incompris et méprisé. Plus on lui propose des solutions toutes faites, plus son inconscient saura qu’il a été dénié, et le malaise montera.
Sans que l’individu sache d’où il vient réellement. Et c’est là que les tensions montent, de chaque côté des barrières l’on s’envoie de la haine, parce que l’on cherche à imposer à l’autre son mode de pensée. Parce que l’on ne vit pas dans un monde qui accepte différentes options simultanément, il n’existe plus d’autre choix que d’imposer les siens à autrui.
C’est cela ou l’abandon de soi même pour la soumission aux mœurs des autres.
Il y a eu, il y a environ quinze ans, une période dite de la police de proximité, où l’on tentait d’instaurer un dialogue pour privilégier la prévention à la répression.
Je me rappelle encore de cette merveilleuse phrase de propagande qui résumait pour moi le métier de policier ; un métier pas comme les autres, au service des autres…
C’est-il pas beau !?
Bien sûr, l’expérience aurait pu fonctionner si le but réel avait été de pousser chacun à la responsabilisation en lui montrant son importance dans l’organisation du monde, mais elle fut bien sûr détournée en bourrage de crâne pour citoyenneté « clé-en-mains »….
En gros, ferme là et apprend à obéir.
Et on se demande pourquoi ça n’a pas fonctionné…
Au lieu de pousser les gens à s’améliorer, on essaye de les museler. Alors évidemment, ça donne envie de mordre. De se battre, de se débattre au lieu de débattre.
Quand au « service des autres », je ne préfère même pas en parler pour le moment, on serait vite hors-sujet.
Alors quoi ?
Qu’est ce qu’on fait ?
On continue à se taper les uns dessus les autres ou l’on tente de reprendre les idées ?
On continue de perpétuer l’obsolète en essayer de calquer les solutions d’hier sur les problèmes d’aujourd’hui?
Faire de la pâtisserie machinalement, voilà ce à quoi ça me fait penser.
Si au lieu de suivre une recette piochée au hasard pour faire notre gâteau nous commencions à innover, à tester, quitte à louper, pour comprendre au fur et à mesure la délicate alchimie qui transforme les ingrédients en mets délicieux…
C’est bien de savoir suivre une recette, mais c’est tellement mieux de comprendre comment les aliments se comportent, à la cuisson, en se mélangeant, en les battant, quels sont les principes physiques qui régissent tout cela ?
En comprenant la logique, notre imagination peut guider notre compréhension en dehors des sentiers battus. De plus, fini l’angoisse d’un ingrédient manquant lorsqu’on sait à quoi il sert dans la recette de base. Système D, créativité, innovation, la frontière entre les trois est bien peu conséquente !
C’est comme…..apprendre une langue étrangère par exemple : on essaye de comprendre comment elle fonctionne, en écoutant les gens parler, à comprendre leur raisonnement, la logique de leur langue, au lieu d’essayer de la parler avec la logique de notre langue et un tas de règles apprises par cœur pour compenser.
Faire un monde tous ensemble, c’est aussi compliqué que de choisir une pizza pour quatre quand personne n’aime les mêmes choses. On discute, on trouve la base qui plaît à tout le monde, et puis au pire, on fait moitié-moitié pour les saveurs. Et si y’en a un qui râle parce que ça l’emmerde que sa moitié de pizza soit cuite sur la même pizza que la moitié oignons, et ben qu’il se prenne sa pizza dans son coin, et partage qui veut. Du moment qu’il ne m’impose pas de ne pas mettre d’oignons sur ce que je mange… Et si jamais je suis seule à vouloir des oignons, je verrais si mon envie d’oignons est plus importante que mon envie de manger une pizza partagée à ce moment là ou non…. (la vie se résume souvent à ça : bouffe ou sociabilité…) Et si oui, ben ce sera moi qui mangerais ma pizza toute seule dans mon coin en attendant la prochaine fois!
Quoi ?
Ma métaphore culinaire tombe comme un cheveu sur la soupe c’est ça ?
…
Après, si vous trouvez mon humour quelque peu tiré par les cheveux, faut le dire.
…
Pas la peine d’en faire tout un fromage. (même si c’est bon sur la pizza)