Périple d’une jeune musicienne qui se cherche (2)

(si tu n’as pas lu la partie (1) tu ne vas rien comprendre à ce qui arrive à notre « héroïne »! Alors zou, files d’ici si c’est le cas!)

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Tout avait commencé quatre mois auparavant.

Ou plutôt devrais-je dire six mois.

Parce qu’en fait, c’est une petite décision, prise sur un coup de tête qui m’a fait changer de vie. Et cette décision est elle-même l’aboutissement d’un enchaînement de moment de doutes.

Je m’explique.

Il y a encore pas si longtemps de cela, j’étais surveillante dans un lycée. Celle que les élèves appelaient « la pionne ». J’aimais mon travail, me sentais utile, mais ressentais au fond de moi un malaise, comme si je n’étais pas exactement là où je devrais être. Comme si ma vie, bien qu’elle me plaisait comme elle était, n’était pas vraiment celle qui m’était destinée. J’ai toujours su m’émerveiller pour tout et n’importe quoi, me contentais donc facilement de ce que j’avais et trouvais un tas de raison d’être joyeuse au fil de mes journées.

Malgré tout, une petite voix au fond de moi, que je n’écoutais absolument pas à l’époque tant j’étais persuadée de me connaître à fond, me soufflait des petites phrases, bribes de mes rêves les plus enfouis, que je ne voulais écouter tant ils n’étaient pas raisonnables. Je croyais dur comme fer que le bonheur ne se trouvait qu’en acceptant le quotidien, en essayant de le voir d’une manière positive quoiqu’il arrive.

Je pense d’ailleurs toujours que c’est une bonne manière de vivre heureux.

Cela dit, se contenter de vivre ce que l’on m’offrait sans essayer de se dépasser, de voir jusqu’où je pouvais aller ne me suffisait plus. J’avais besoin de sortir de la sécurité du quotidien, de me pousser dans mes extrêmes. Vouloir plus ne rend malheureux que si l’on n’est pas déjà satisfait de ce que l’on a. Si un besoin de changement était un défi personnel, quelque chose dont l’intérêt était le chemin et non le but, cela ne devenait qu’une nouvelle expérience à vivre.

Bon, c’est ce que je dis aujourd’hui, mais a l’époque, je me contentais d’aller voir régulièrement un thérapeute en espérant qu’il arriverait à me remettre en « mode sans échec ». Ce mode où je faisais taire les doutes afin de pouvoir suivre le chemin qui me paraissait tout tracé. Profiter de mon job pour recommencer mes études et devenir intervenante musicale. A défaut de devenir moi même une musicienne accomplie, je me disais que je pourrais toujours donner la fibre à la future génération. Un boulot stable, qui me permettrait de ne pas m’inquiéter pour mes lendemains, de m’intégrer au monde tel qu’il était, même si je ne me sentais pas toujours en phase avec lui. Voilà à peu près où j’en étais à cette époque de ma vie. C’est à peu près le moment où est arrivé la période la plus bénie de l’année.

Les vacances d’été.

Je n’étais pas payée pendant les congés et m’étais déjà résolue à consacrer mon temps de répit à la farniente, occupation peu chère qui ne cramerait pas mon budget.

J’étais en train de profiter du soleil, appréciant sa chaude caresse rendue encore plus agréable par une légère brise, lorsque mon téléphone me sortit de ma torpeur.

-Salut, je ne suis pas loin de chez toi, si tu veux je m’arrête pour la soirée !

Ca alors, quelle surprise !

C’était un gars que j’avais rencontré dans un festival il y a quelques années et que je recroisais régulièrement dans les endroits les plus improbables. On avait réalisé au fil des rencontres que nous avions beaucoup de connaissances en commun, et continuions depuis à garder le contact.

Je m’empressais d’acquiescer et me lançais dans une session cuisine de dernière minute. J’avisais mes colocs de son imminente venue et lorsqu’il arriva, tout était prêt. Un apéro dînatoire express fait avec les moyens du bord, mais où il y avait de quoi festoyer dignement.

Au fil de la soirée, nous discutons de tout et de rien, rions, buvons, philosophons, bref, une bonne soirée comme on en fait tant d’autres.

Ce n’est que le lendemain que le premier événement est arrivé.

Nous venions de lancer la journée à coup de café et de croissants (qu’il était allé chercher à la boulangerie avant même que je n’émerge de ma chambre), lorsqu’il me lance, l’air de rien, qu’il part dans la demi-heure rejoindre un groupe de potes au Portugal, et que si ça me dis, je peux l’accompagner. Nous serions accueillis dans la demeure familiale de son plus vieil ami et n’aurions que les frais de route et de nourriture à assumer.

Je reste interloquée l’espace d’un instant.

Une demi-heure ? C’est une blague !

Comment veut-il que je prenne une décision pareille en si peu de temps !

Et encore, je n’ai pas parlé des bagages !

-Bon, vu que je n’ai pas le temps d’abord réfléchir et d’agir ensuite, je commence à faire mes bagages au cas où je déciderais de t’accompagner, lui expliquais-je tout en m’affolant dans tous les sens, Mais ça ne veut pas dire que je pars avec toi, ok !

Il sourit.

Je lui lance un regard qui tue.

Son sourire devient moqueur.

Bon, j’ai pas le temps de m’occuper de ton cas mon gaillard, t’as du bol.

Je continue d’entasser un peu tout et n’importe quoi dans mon sac à dos. Pendant ce temps, à l’intérieur de moi, ça carbure.

Qu’est ce que je fais ?

J’essaye de réfléchir à la conduite à tenir, mais mon cerveau me donne l’impression de tourner à vide. Impossible de me concentrer sur une idée. Je force, j’essaye de peser le pour et le contre, mais rien ne me vient.

Puis je comprend que j’ai tout simplement déjà pris ma décision.

Un mois au Portugal ! Et ça ne me coûtera pas plus cher de glander là-bas plutôt qu’ici ! Je me fend d’un immense sourire, mon ami comprend que je suis parée et me lance un laconique :

-Je t’attend dans la camionnette.

Et voilà.

Débrouille toi ma vieille.

J’embarque mon vieil accordéon et un tas de partitions dans l’espoir d’enfin m’y remettre ; ça fait des années que je ne l’avais pas retouché, et encore, même à l’époque je ne l’effleurais que rarement. Il n’avait été pour moi qu’un piano portable, et je n’y avais travaillé des morceaux que pour le plaisir de jouer aux amis quelques pièces lorsqu’il n’y avait pas de piano à portée de mains.

J’y ai un répertoire très limité, mais je ne me voyais pas partir sans aucun instrument de musique pour une si longue période.

Me voilà prête.

Il me reste encore un quart d’heure, ce que je constate avec étonnement. Je me précipite vers mes colocs pour les informer de mon départ, ce qu’ils apprennent sans la moindre pointe d’étonnement, ce qui a le mérite de me surprendre moi par contre. Et peut-être même un peu de me décevoir… Mince, c’est pas tous les jours qu’on annonce un truc pareille !

Ils se contentent de lever les épaules en souriant d’un air entendu. Bon, c’est pas tout ça, mais gardez vos mystères pour mon retour. Je ne les ai revus qu’environ un mois plus tard.

On était partis moins de vingt minutes après sa proposition.

S’en sont suivis deux jours de voyage que nous avons mis à profit pour visiter les quelques villes espagnoles qui se dressaient sur notre route. Les paysages changeaient régulièrement, et j’étais déjà surexcitée avant même d’être arrivée. Le trajet en lui même suffisait à me rendre radieuse. Je laissais mes yeux se remplir de tous ces nouveaux horizons, appréciais le plaisir de rouler, et parfois, demandais à mon chauffeur une petite halte pour profiter d’un point de vue et prendre quelques photos à l’occasion.

J’avais profité de ce moment pour remettre en place quelques morceaux que j’avais appris dans le passé. Il n’y avait pas de radio dans le véhicule, et même si mes notes étaient hésitantes, ça nous suffisait pour créer une atmosphère joyeuse, tout en chantant à tue-tête un tas de chants issus de divers répertoires à travers le monde que nous apprenions au fur et à mesure.

Nous nous sommes arrêtés pour passer la première nuit à l’orée d’une majestueuse forêt, profitant de la voûte étoilée tout en grignotant notre repas du soir, que nous avions préparé dans la cuisinette du van. J’éprouvais un immense sentiment de liberté, comme si tout était possible à partir de ce moment là. Loin des barrières invisibles que je m’étais posées dans ma vie de tous les jours, le fait de ne pas savoir ce qui allait se passer dans le mois à venir me faisait réaliser pleinement que je pouvais, si je le désirais, faire absolument tout ce que je souhaitais si je m’en donnais les moyens.

Que toutes les excuses que je me donnais, même bonnes, ne restaient au final que des excuses.

Nous n’avons pas parlé de la soirée, chacun s’immergeant dans la beauté environnante. Et c’est sous la lunaire lueur du soir que je découvris ma petite phrase, mon mantra personnel, celui qui dit « j’arrête de trouver des excuses et j’avance car telle est ma volonté ».

Bien-sûr, entre le moment où l’on comprend et le moment on l’on intègre, de l’eau passe sous les ponts. Mais ce soir là, j’étais à la croisée des chemins. A l’endroit où toute décision paraissait envisageable. J’ai alors décidé. Une chose essentielle à la suite de mon histoire.

J’ai décidé de ne plus décider.

De voir où le vent m’emporterait.

Nous avons nettoyé notre campement et fait notre vaisselle sans un bruit et sommes allés nous coucher. La nuit fut une des plus paisibles que j’avais passé jusque là, bercée par le vent et les animaux nocturnes, bien au chaud et à l’abri dans la maison roulante de mon ami.

Le mois qui a suivi m’a paru à la fois être une éternité par sa richesse et un seul jour de ma vie tant il fut entier et unique. Nous étions logés par la famille de son fameux plus vieil ami, et je n’ai que rarement rencontré des gens aussi accueillants. Nous mangions les produits du jardin, récoltés par nos soins chaque jour, faisions notre pain dans le magnifique four a bois, pêchions, glanions, je me sentait en phase avec les bontés de la nature. Je refaisais connaissance avec mon accordéon en découvrant jour après jour de nouveaux sons par une approche moins académique du jeu. J’en faisais profiter notre petite tribu autour d’une belle flambée rivalisant de luminosité avec la voûte stellaire, surplombant les vignes familiales, dignes ancêtres du bon vin maison que nous dégustions à chaque occasion, c’est à dire tous les soirs. Les journées étaient enrichies de ballades, de découvertes des merveilles que nous proposait la région. Nous commencions à comprendre quelques phrases au vol en Portugais et ce pays me donnait l’impression d’être rempli de gens plein de bonhomie et vivants.

Vraiment vivants.

Sans savoir ce que nous allions faire le jour même, on laissait le hasard des chemins nous guider. Il y eu aussi la fête du village, qui dura rien de moins que deux semaines ! Tout le monde était dehors le soir, du bébé à la centenaire du village, célébrant la vie en chants, danse, ripailles et beuveries. Le tout sans excès de violence comme on pouvait le voir par chez moi en fin de soirée.

Peut-être n’est ce qu’une illusion due à l’état de grâce dans lequel j’ai été durant tout mon séjour, mais je garde du Portugal l’image d’un pays accueillant et plein de joie.

Autant dire que lorsque le moment du départ est arrivé, j’ai eu l’impression que l’on m’arrachait une partie du cœur.

Je ne pouvais plus envisager de vivre ma vie à moitié. J’avais été tellement heureuse au quotidien pendant un mois, que je ne pouvais plus m’imaginer me contentant de survoler les nombreuses possibilités que la vie m’offrait. Il m’était impensable de ne pas prendre de risques pour essayer d’atteindre mes rêves. La vie me paraîtrait maintenant bien trop ennuyeuse si je devais me résoudre à ce chemin tout tracé. J’avais apprécié bien plus que je ne l’aurais imaginé de ne pas savoir ce qui allait se passer dans les instants suivants. Au Portugal, on ne prévoyait rien. Nous prenions toutes nos décisions sur un coup de tête, et vivions dans la calme excitation de ceux qui partent à l’aventure.

J’ai réalisé que j’aimais vivre sur le fil.

C’est donc en rentrant de ce voyage que je suis devenu aux yeux de mon entourage complètement folle.

Je n’ai pas vraiment réfléchi à vrai dire, j’ai réagis à l’instinct de l’instant, ou l’inverse. A peine arrivée, j’ai avisé le lycée que je ne reconduirais pas mon contrat. Je n’ai pensé à vérifier mon compte épargne seulement après coup, heureusement, il était à peu près correctement rempli.

Enfin, tout est relatif, n’est ce pas.

Le lendemain, je m’inscrivais sur la liste des demandeurs de pitié.

Bon, c’est l’impression que ça m’a fait sur le coup en fait, mais c’est réellement à ce moment que j’ai apprécié la chance que j’avais de vivre dans un pays qui donnait l’opportunité à chacun de changer de vie s’il le souhaitait en l’épaulant sur ce chemin par un coup de main financier.

Vraiment, je crois que ce fut réellement la première fois que j’eus un tel élan de gratitude pour ce système qui me paraissait parfois si étrange.

Le surlendemain, j’ai commencé à prendre conscience de l’éventuelle connerie que j’avais peut-être commise. Mine de rien, une place de « pion », ça vaut de l’or.

Mais heureusement, les bienfaits de mon voyage étaient encore actifs, modifiant ma perception du monde. Je n’ai pris qu’un court instant pour décider du chemin sur lequel j’allais m’engager. Après ces soirées Portugaises où j’avais quasiment sorti mon accordéon tous les soirs pour animer les veillées, je n’avais plus de doutes sur ce que désirait mon cœur.

Jouer, interpréter, et surtout composer de la musique pour faire vibrer les gens, pour émouvoir leurs âmes, et leur donner envie de s’amuser et de danser.

Dès lors, je m’installais derrière mon piano, inlassablement, en espérant que le miracle se produise.

Une composition.

Comme si, à force de regarder le clavier, il allait arriver, ce miracle. Je tâtonnais sur les touches, cruellement consciente de l’inutilité de mes tentatives.

J’écoutais la musique des autres, qui me transcendait, qui m’exaltait, et me demandais, jour après jour, comment Ils faisaient pour trouver ces idées, comment Ils faisaient pour…composer.

Mon graal.

Comment font-Ils pour que lorsque tu les écoutes, tu as les tripes qui s’entortillent ? Ca me dépasse.

Alors, quand ça m’énervait trop, je me vengeais en maltraitant mon piano. Les nuits pouvaient être troublées par nos cris de rage et de désespoir lorsque nous finissions par nous engueuler pour savoir qui de l’instrument ou de l’instrumentiste était le coupable.

C’est ainsi que je me suis retrouvée, quelques mois plus tard, à répondre à une annonce pour ce groupe de reprises pour camping, en espérant que cela m’aide sur la voie.

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Les jours qui ont suivi l’audition restent très flous dans ma mémoire.

J’attendais les résultats, tournant chez moi comme un lion en cage, incapable de me concentrer sur la moindre action tant j’étais obnubilée par cette réponse. Je n’arrivais pas à prendre le recul nécessaire, à me dire que non, tout mon avenir ne se jouait pas sur leur décision. J’avais une boule dans la gorge en permanence, me levais et me couchais dans la fébrilité, bref, j’étais entièrement tournée vers le coup de fil qui allait peut-être changer ma vie.

Dans ces moments là, je regrettais de ne pas avoir quelqu’un avec qui partager mes soucis.

« Salut Quelqu’Un, t’as passé une bonne journée ? Oui, moi aussi, merci de demander ! »

Quelqu’Un, avec qui je pourrais me changer les esprits.

Quelqu’Un, qui vivrait mon impatience avec moi.

Quelq’Un, qui partagerait les émotions de la réponse, quelle qu’elle soit.

Mais je savais aussi que Quelqu’Un me prendrait du temps, du temps que je ne pourrais consacrer à ma propre recherche intérieure, et je ne voulais pas avoir qui que ce soit, même Quelqu’Un, qui m’influence sur un autre chemin que celui que je sentais être le mien.

C’est donc dans cet état d’esprit que je me trouve, ce matin, à tenter de me faire un jus d’orange frais avec les quelques oranges défraîchies qui trônent dans notre panier à fruits. Je viens de me couper le doigt en essayant simplement de couper ma première orange en deux. Ca y est, la journée m’exaspère. De toute façon, tout m’énerve en ce moment. Je bois mon jus une fois l’épreuve de force terminée, quasiment d’un trait et en grimaçant.

Il est vraiment infâme, ces oranges étaient décidément trop vieilles.

Mon téléphone sonne alors que je viens d’avaler de travers la dernière gorgée mon jus d’oranges périmées.

Je décroche en crachotant un « allo » humide et manque de m’étouffer une deuxième fois lorsque j’entends mon interlocuteur se présenter comme le batteur du groupe pour lequel j’avais auditionné.

-Bon, ben…voilà, bon…

Accouches !

-Bon, je suis désolé, mais on ne te prend pas.

Mes entrailles se figent. Je n’ai pas encore envie de pleurer, mais je sens que ça ne va pas tarder.

Faut que j’abrège.

-Pourquoi ?

Mince, c’est pas une question à poser quand tu veux abréger !

-Ben, heu…, se remet à ânonner mon interlocuteur dont je ne me rappelle que l’oeil et la touffe de cheveux. En fait, techniquement, c’était super, mais, heu…le bassiste trouve que t’as pas l’air super confiante en toi et heu..ben…il a peur que tu nous lâches en plein concert.

Silence interminable.

Je me concentre à fond pour dominer ma voix, le remercie, et raccroche sans plus de cérémonie.

Je cherche inconsciemment autour de moi pour trouver Quelqu’Un.

Il n’est pas là, forcément.

Je me replie dans ma chambre.

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Je me laisse tomber sur mon lit, tête la première.

Je pleure doucement tout en observant les larmes humidifier le bout d’oreiller sur lequel j’ai posé ma tête.

C’est super bizarre de se regarder pleurer.

Je me pelotonne contre le mur, en serrant mon nounours très fort contre moi. Je suis dans mon antre, dans mon nid, et mon lit est protégé de toutes parts par des meubles qui forment un petit territoire dans lequel je suis seule à pénétrer. L’accès à mon lit ne peut se faire qu’en passant par dessus un de ces meubles. Mais une fois que j’y suis, je me sens protégée du reste du monde.

J’aime les gens. Tous les gens.

Mais j’essaye de ne pas m’attacher à des personnes en particulier. Bien trop dangereux. Je ne veux pas être en manque plus tard. Même ma famille, je suis partie loin d’eux dès que j’en ai eu la possibilité. Je ne leur ai pas laissé l’occasion de me blesser.

Loin, je suis plus forte aussi face à eux.

Forte, je suis forte.

Pas de copain, pas d’enfant, pas même d’animal pour me couper de ma solitude, de ma liberté. Les sanglots se font plus forts, je ne maîtrise plus ma respiration, je sens que je tombe dans le gouffre.

Je sombre.

Je hurle, je peste, je pleure, je m’abandonne totalement à la douleur.

Mon cœur est oppressé, ce n’est plus un gouffre au fond de moi, mais un abîme.

Un trou noir.

Le néant qui transforme la beauté en détresse.

La joie en rancoeur.

Ma gentillesse en dégoût.

Ma liberté en prison.

Je dérive, je ne sais plus pourquoi je souffre. D’où vient toute cette douleur ? Ce n’est pas qu’à cause de l’audition, mais bien plus profond, je le sens. Comment puis je continuer à diffuser de l’amour autour de moi si je ressens tout ce mal ?

La crise passe.

Je n’ai plus de force, pour penser, pour pleurer, ni même pour ressentir quoique ce soit. J’ai laissé mes émotions se déchaîner, et maintenant je suis vide. Plus rien n’a d’importance pour moi. Ni joie, ni peine, je ne suis plus qu’un amas de chair avec un cœur qui bat pour faire fonctionner la machine.

Je laisse le sommeil m’emporter.

A mon réveil, il est tard, le soleil est parti se reposer, et moi je n’ai évidemment plus envie de dormir. Je me roule un pétard et part à la cuisine me faire un chocolat chaud. Je le sirote devant un épisode d’une de mes séries préférées, tout en fumant doucement.

Deuxième épisode, deuxième pétard.

La soirée s’écoule tranquillement dans un environnement choisi pour ne pas penser.

Lorsque mes paupières recommencent à donner des signes de fatigue, je lance un dernier épisode et m’endors dès que c’est fini d’un sommeil de plomb.

Je ne rêve que de vaisseaux spatiaux, la ruse a fonctionné.

Je me lèverais peut être demain matin.

Ou je me forcerais à dormir, dormir, jusqu’à ce que mes rêves commencent à devenir trop lointains, jusqu’au moment où se forcer à dormir crée plus de mal que de bien.

Jusqu’au moment où je n’aurais plus le choix et serais obligée de repenser.

(à suivre…)

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